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Place à la santé mentale dans le système de santé québécois : entrevue avec Sandra D’Auteuil

Directrice du programme Santé mentale, dépendance et itinérance au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Sandra D'Auteuil revient sur les conséquences de la pandémie de COVID sur le système de santé québécois et les stratégies numériques en santé mentale.

Sandra D'Auteuil, diplômée de la maîtrise en administration des services de santé et directrice du programme Santé mentale, dépendance et itinérance au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

Sandra D’Auteuil est infirmière de formation et travaille depuis 25 ans dans le réseau de la santé et des services sociaux. En 2011, alors qu’elle est cheffe d’unité des programmes en psychiatrie au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, elle obtient un diplôme d’études supérieures spécialisées en gestion des organisations de l’Université Laval.

Elle poursuit immédiatement ses études en prenant part à FORCES extra, un programme pour cadres offert par la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé, en plus de réussir une maîtrise en administration des services de santé de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, en 2013.

Aujourd’hui directrice du programme Santé mentale, dépendance et itinérance au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, elle répond à quelques questions au sujet de la santé mentale au Québec.

À votre avis, qu’est-ce que la pandémie de COVID-19 a mis en exergue en ce qui concerne la santé mentale des professionnelles et professionnels de la santé et de la population en général?

"Plus que tout, je pense que ç’a mis en lumière qu’en tant qu’êtres humains nous avons besoin des autres pour avoir une santé mentale équilibrée. Évidemment, il y a des populations déjà vulnérables qui ont été affectées, mais aussi beaucoup de personnes considérées comme étant en bonne santé mentale.

La diminution des contacts sociaux entre autres, autant avec les collègues de travail qu’avec les proches, a été un élément catalyseur qui a fait exploser la demande de services de 1re ligne, de suivi psychologique et d’accès à une ou un médecin de famille. Même après plus de 2 ans de pandémie, la demande reste forte".

Qu’est-ce qui a été fait dans le système de santé et de services sociaux, et qui a eu une incidence significative?

Deux éléments me viennent en tête : d’abord, l’expansion des services de télésanté. Faire en sorte que l’usagère ou l’usager n’a pas à se déplacer pour avoir une consultation médicale, c’est une avancée importante dans les pratiques.

Le 2e élément est l’accélération du développement de stratégies numériques en santé mentale, soit d’outils pour l’évaluation de symptômes et pour un accès plus rapide à des conseils et à des professionnelles et professionnels dans le réseau de la santé et des services sociaux. Il y a aussi des applications mobiles permettant l’autorégulation de certains symptômes d’anxiété, par exemple pour la méditation et la respiration.

J’aimerais souligner qu’on n’y arrive jamais seule ou seul dans ces situations de crise. Sans les partenaires du réseau, autant les milieux scolaires que communautaires, on n’aurait pas été en mesure de faire ce bout de chemin. Ce travail de collaboration et de concertation est une belle réussite à mon avis.

De quelle manière le système de santé et de services sociaux doit-il évoluer pour le bien-être de la population et des professionnelles et professionnels de la santé?

Il faut arrêter de penser que l’usagère ou l’usager va venir vers nous, mais plutôt miser sur la proactivité et nous rendre dans les milieux de vie pour atteindre les personnes qui auraient besoin de soins ou de services. Nous devons augmenter les capacités des équipes d’hospitalisation à domicile et de gestion de crise dans la communauté, par exemple.

Il y a également un travail à faire dans tout le réseau qu’on peut mettre en place pour les unités d’hospitalisations brèves avec des équipes de suivi intensif et d’intensité variable. On pourrait notamment proposer un modèle hybride et offrir des modalités de téléconsultation à l’usagère ou l’usager.

Dans votre direction, comment entrevoyez-vous l’opérationnalisation du nouveau plan stratégique de la Commission de la santé mentale du Canada au sein de la population que vous desservez, mais aussi comme établissement avec un mandat plus régional?

Concrètement pour nous, au sein de la direction du programme Santé mentale, dépendance et itinérance, on se doit d’appliquer le plan d’action interministériel, donc on revoit notre planification et notre réflexion stratégiques en fonction des principes directeurs de celui-ci.

Nous reconsidérons donc la composition de nos équipes et en transformons certaines autres des consultations externes vers des modèles d’hospitalisation à domicile. En matière provinciale, le ministère de la Santé est là pour orienter les Centres intégrés de santé et de services sociaux, les CIUSSS et les établissements non fusionnés vers les principes directeurs du plan d’action en santé mentale.

Il y a aussi l’Institut de pertinence des actes médicaux qui a travaillé en étroite collaboration avec l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux pour déterminer les principales mesures qui devraient être mises en place actuellement dans le réseau. Ils ont mandaté l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, l’Institut Douglas et l’Institut universitaire en santé mentale de Québec pour accompagner des établissements pilotes dans l’application de ces mesures, dont celles mentionnées précédemment, soit l’hospitalisation à domicile, les unités d’hospitalisations brèves et les équipes de crise dans les milieux.

Nous avons un budget alloué par le ministère pour guider ces établissements et faire un suivi de l’implantation de ces mesures avec nos centres de recherche afin d’évaluer l’incidence autant sur le réseau que sur la population en général.

Le système de santé et de services sociaux se prépare à une nouvelle vague de COVID-19. Avez-vous un message à transmettre aux personnes qui devront l’affronter de nouveau?

Nous devons faire preuve de résilience et de courage, axer nos actions sur les meilleures pratiques et la culture de l’évaluation. Il faut apprendre de ce que nous avons vécu au courant des dernières années, qui est unique pour notre génération, et ajuster nos services en conséquence. 

Je pense que la clé du succès est de travailler en équipe et de miser sur l’accès aux services de santé. Il faut miser sur le rétablissement de la population, mais aussi sur notre propre rétablissement, en tant que travailleuses et travailleurs de la santé, en tant que gestionnaires. Soyons bienveillantes et bienveillants entre nous et veillons à notre propre santé mentale avant de prendre soin des personnes qui nous entourent.