Soucieux de partager son savoir et son expérience avec la communauté étudiante et de promouvoir l'usage d'un français de qualité, le professeur du Département de médecine sociale et préventive et responsable de l'option Surveillance épidémiologique de la maîtrise en santé publique, vous partage cet index à garder précieusement.
Adresser
Sous l’influence du verbe anglais to address, on utilise parfois adresser dans les sens d’« étudier », de « résoudre » ou de « traiter ». Ces emplois ne sont pas reconnus en français puisque ce verbe signifie plutôt « envoyer » ou « émettre des paroles » ou « parler à quelqu’un », dans le sens de « s’adresser à quelqu’un ».
Au niveau de
Tant au propre qu’au figuré, l’expression au niveau de doit marquer une idée « de hauteur, d’élévation, de rang ». On dira par exemple qu’une personne a de l’eau au niveau de la taille ou qu’un projet a été rejeté au niveau de la direction.
L’expression relève d’un usage abusif quand elle est utilisée dans le sens de « en ce qui concerne, en ce qui a trait, en matière de », comme dans : ils ont apporté un grand soin au niveau de la mise en page. Souvent, au niveau de peut être remplacé par une simple préposition : ils ont apporté un grand soin à la mise en page.
Aviseur
Le mot aviseur, que l’on emploie comme nom ou adjectif, est un calque de l’anglais adviser (ou advisor). Il a alors le sens de « conseiller ». On préfèrera, par exemple, les termes comité consultatif à ceux de comité aviseur.
Évidence
Sous l’influence de l’anglais, encore une fois, on utilise souvent le mot évidence au sens de « preuve », un sens qu’il n’a pas en français. On emploiera plutôt les termes preuve, élément de preuve, témoignage, indice, démonstration ou résultat, selon le contexte. En français, le nom évidence signifie « caractère de ce qui est évident, de ce qui s’impose à l’esprit ou aux sens ».
Impacter
Sans qu’on sache trop pourquoi, ce verbe qui est utilisé en français avec un sens très précis dans le domaine de la médecine est devenu malgré tout d’usage courant. C’est sous l’influence de l’anglais to impact qu’on utilise le verbe en français dans le sens d’« avoir un effet sur » ou de « percuter ». Il peut être remplacé, selon le contexte, par les verbes percuter, concerner, influencer, intéresser, toucher, viser, etc., ou encore par des locutions telles qu’avoir un effet sur, produire un impact sur, avoir une incidence sur, avoir des répercussions sur, avoir une importance pour, influer sur, agir sur, peser sur, jouer un rôle dans, se faire sentir sur ou se répercuter sur.
Implémentation, implémenter
Implémenter n’est pas l’équivalent français de to implement et n’a pas le sens d’implanter en français. Les dictionnaires de l’Office québécois de la langue française, de la Banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada et de l’Académie française sont unanimes sur ce point. En français, il est recommandé d’éviter d’utiliser le mot implémenter dans les domaines autres que ceux de l’informatique et de la théorie de l’information, où il a le sens d’effectuer l’ensemble des opérations qui permettent de définir un projet et de le réaliser, de l’analyse du besoin à l’installation et à la mise en service du système ou du produit.
Joindre et rejoindre
Les deux verbes ont des sens voisins, mais ils ne sont pas synonymes. Il ne faut donc pas les confondre. Le verbe joindre signifie, en parlant de choses, « mettre ensemble, unir », « ajouter à », « relier » ou « associer », selon le contexte. On évitera l’enchaînement joindre ensemble, considéré comme pléonastique puisque l’idée contenue dans le mot ensemble est déjà exprimée par le verbe. Joindre peut aussi prendre le sens d’« entrer en contact, en communication avec ». Dans cet emploi, généralement en parlant de personnes, il ne faut pas le confondre avec rejoindre, qui n’a pas cette valeur. Lorsque le sujet désigne une personne, rejoindre peut signifier « gagner ou regagner un lieu », « retrouver ou rattraper quelqu’un », ou encore « se joindre à une personne ou à un groupe ». Le verbe rejoindre suppose, dans plusieurs de ses emplois, l’idée d’un mouvement physique effectué par une personne en direction d’une autre personne ou d’une chose. Ainsi, nous parlerons de joindre une personne par téléphone ou par courriel, mais de rejoindre une personne au café du coin.
Opportunité
On emploie fréquemment le mot opportunité (souvent au pluriel) dans le sens de « possibilité » ou de « perspective ». Il s’agit ici d’un emprunt sémantique à l’anglais opportunity à éviter. En français, le mot opportunité signifie « caractère de ce qui est opportun, de ce qui convient » et non pas celui d’« occasion, chance et possibilité ». Ainsi, plutôt que de parler d’une belle opportunité de faire valoir ses compétences, on parlera d’une belle occasion pour le faire. De même, plutôt que de mentionner les bonnes opportunités d’avancement dans une entreprise, on fera allusion aux bonnes perspectives d’avancement.
Pallier à
Le verbe pallier signifie selon le contexte tantôt « corriger ou résoudre d’une manière provisoire », tantôt « compenser ou atténuer ». Le verbe s’emploie avec un complément d’objet direct sans préposition. La construction fautive pallier à s’entend couramment, probablement à cause de l’analogie avec son synonyme remédier à. Ainsi, on ne va pas chercher à pallier aux difficultés, au manque de ressources humaines ou aux injustices de ce monde. On va plutôt chercher à pallier les difficultés, le manque de ressources humaines ou les injustices.
Partager
Outre son sens courant de « diviser, distribuer », le verbe partager s’utilise dans le domaine de l’informatique au sens général de « rendre disponible », généralement des ressources matérielles : partager une imprimante, partager une connexion, partager des fichiers de données. Partager peut être suivi d’un nom abstrait : partager son avis, son chagrin, son optimisme, ses doutes. Cet emploi est correct et signifie qu’une personne ressent les mêmes émotions qu’une autre personne (je partage votre peine) ou qu’une personne est d’accord avec les idées d’une autre personne (je partage son opinion). En revanche, l’emploi du verbe partager au sens de « communiquer » est calqué sur l’anglais to share et est donc déconseillé. Selon le contexte, plutôt que de partager ses déboires, on dira qu’on fait part de ses déboires ou qu’on raconte ses déboires.
Prendre pour acquis
L’expression fautive prendre pour acquis est courante au Québec. Elle n’en demeure pas moins la traduction littérale de to take for granted. Il est préférable d’encourager l’usage de tenir pour acquis pour remplacer le calque de l’anglais, bien que l’on pourrait également employer, selon le contexte, tenir pour assuré, tenir pour admis, considérer comme acquis, présupposer, présumer, admettre au départ. Dans l’expression tenir pour acquis, « acquis » s'écrit avec s et non t, parce qu’il ne faut pas tenir pour acquis que tous et toutes savent qu’il s’agit ici du participe passé du verbe acquérir et non du verbe acquitter.
Référer
Ouf, un cas irréductible ! Le verbe référer s’emploie normalement à la forme pronominale se référer à, qui signifie « s’en rapporter à, recourir à, s’appuyer sur » ou dans l’expression en référer à, qui signifie « en appeler à, soumettre (un cas à quelqu’un pour qu’il prenne une décision) ». C’est sous l’influence de l’anglais qu’on a tendance à employer référer (quelqu’un ou quelque chose) à dans le sens d’« envoyer à, diriger vers, adresser à ». Référer à n’a pas non plus le sens de « faire mention de, faire allusion à, faire référence à ». Ainsi, plutôt que de dire : pouvez-vous me référer à un spécialiste ? ou nous avons référé cette cliente au service à la clientèle, on écrira : pouvez-vous m’orienter vers un spécialiste ? ou nous avons dirigé cette cliente vers le service à la clientèle.
Support, supporter
Le terme support et le verbe supporter sont des impropriétés au sens de « soutien » et de « soutenir ». Sous l’influence de l’anglais, on emploie couramment supporter pour signifier « encourager, soutenir, appuyer, aider », voire « parrainer, commanditer ». On évitera également d’employer le substantif support au lieu de appui, aide, soutien, assistance. En français, support a les sens d’« objet destiné à soutenir le poids d’une chose ou à lui servir d’appui », d’« appareil, assemblage destiné à recevoir un objet ou à maintenir celui-ci dans une position donnée », d’« élément de base sur lequel est réalisée une œuvre graphique » et d’« objet qui sert à enregistrer, conserver et restituer des informations ou des données ».
Merci à Antidote, aux ouvrages de référence de l’Office québécois de la langue français et à quelques autres dictionnaires ainsi qu’à Daniel Desrochers, réviseur linguistique, de m'avoir appuyé dans la rédaction de la présente capsule linguistique.
Bernard-Simon Leclerc.