«L’UdeM, ç’a été une évidence pour moi dès que j’ai foulé le campus, lance-t-il. Je la connaissais de réputation. Je savais que c’était une grande université francophone en Amérique du Nord, et c’est ce que je cherchais. Mais lorsque j’y suis allé, j’y ai capté une énergie. J’ai eu une intuition. J’ai tout de suite su que ce serait ma place. De plus, les programmes offerts satisfaisaient mes attentes scolaires.»
Patrick Gogognon arrive dans la métropole en 2008. Son passage au sein de l’Organisme de régulation du service public de l’électricité, dans le Département de la protection des consommateurs, l’avait mené par 2 fois à Montréal afin d’y suivre des formations, en 2002 d’abord.
«C’est difficile de ne pas tomber amoureux de Montréal, raconte-t-il. En 2004, quand je suis revenu, je me suis rendu compte que mon attirance s’était renforcée. Dès mon retour en Côte d’Ivoire, j’ai entrepris les formalités d’immigration. Et, en 2008, je suis débarqué. J’avais une soif de découvrir, d’apprendre, de grandir intellectuellement.»
Peser le pour et le contre
Retourner à l’université est alors pour lui un passage non négociable. Fort de son diplôme en droit et de son expérience professionnelle, il opte pour la maîtrise en droit et biotechnologie, mais l’admission à ce programme est malheureusement suspendue cette année-là. Ce sera donc la maîtrise en bioéthique à l’École de santé publique de l’UdeM (ESPUM).
«Dès le 1er cours, j’ai été fasciné, révèle-t-il. C’était certes dans le domaine de la santé, mais il y avait tout de même un pont à faire avec mon expérience, dans le sens où il s’agit de protéger le public, en l’occurrence les participants, visés par des protocoles de recherche.»
Sa maîtrise en poche, en 2011, il entre au Comité éthique de la recherche au CHU Sainte-Justine en tant que conseiller en éthique. C’est là qu’excepté une brève incursion à l’Institut de recherche clinique de Montréal durant ses études il a fait toute sa carrière montréalaise. Il en est aujourd’hui le vice-président et navigue au sein d’une équipe multidisciplinaire dont le rôle est d’évaluer les projets de recherche pour vérifier si les protocoles respectent les plus hauts standards en éthique et si le bien-être ainsi que les droits des participants sont préservés.
En quoi cette recherche est-elle pertinente? Quels sont les objectifs? À quelles procédures de recherche les participants seront-ils soumis? Les avantages potentiels sont-ils supérieurs aux risques encourus? Est-ce que la gestion des risques est adéquate? Autant de questions auxquelles M. Gogognon doit répondre tous les jours.
«C’est passionnant, indique-t-il! Nous évaluons, révisons, formulons des recommandations pour bonifier les protocoles afin d’assurer la protection des enfants dans la recherche. Le CHU Sainte-Justine étant un hôpital pédiatrique, nous avons des participants particulièrement vulnérables. Je suis tellement fier lorsque nous sommes sur une évaluation difficile, mais que nous parvenons à mettre en place un encadrement éthique adéquat pour la sécurité et le bien-être des enfants; quand, quelques mois ou années plus tard, je prends connaissance du rapport d’avancement ou de fin de la recherche et que je me rends compte que ça change la vie de nos patients.»
Les questions éthiques au cœur du débat public
En tant qu’éthicien, Patrick Gogognon estime que la pandémie de COVID-19 qui s’est abattue sur toute la planète –et sur le Québec en particulier– a eu pour effet de mettre les questions éthiques au cœur du débat public.
«Les gens contestent les décisions prises par le gouvernement et la santé publique depuis le début de la crise sanitaire, expose-t-il. C’est un débat démocratique, mais aussi éthique puisqu’ils demandent aux décideurs de justifier leurs choix en matière de santé. Ces conversations en temps de crise sont très intéressantes; elles mettent en lumière le fait que les mesures préventives de santé publique ont des conséquences éthiques concrètes. Il y a également plusieurs valeurs en concurrence. Cela me fait grandir en tant qu’éthicien.»
Même s’il n’a pas eu à se pencher sur l’évaluation du protocole de recherche pour la vaccination des enfants et des adolescents dans le cadre de ses fonctions, Patrick Gogognon tient à indiquer qu’il avait hâte que cette population ait elle aussi accès au vaccin.
Lui qui est originaire de la Côte d’Ivoire se sent par ailleurs particulièrement concerné par la question de l’accès aux vaccins dans les pays pauvres. Il regrette que, dans ce domaine, les enjeux diplomatiques prennent le dessus sur les questions éthiques et que les doses promises aux pays du Sud tardent, dans les faits, à arriver sur place, limitant ainsi leur accès équitable aux vaccins.
«C’est un métier qui nous demande de demeurer très ouverts au monde qui nous entoure, explique-t-il. C’est d’ailleurs ce que je conseillerais aux étudiants qui souhaitent entrer en bioéthique: sortez des sentiers battus, il y a des choses insoupçonnées! Je me souviens avoir suivi un cours en éthique et relations internationales. C’était brillant! On étudiait la philosophie féministe à l’aune des grandes problématiques contemporaines en relations internationales. Ç’a complètement modifié ma façon de voir le monde.»
En 2019, Patrick Gogognon a décroché son doctorat en bioéthique. Il démarre maintenant une maîtrise en droit et politique de santé, l’occasion pour lui de revenir à ses 1res amours, tout en restant dans le domaine de la santé; l’occasion également de dépasser une nouvelle fois ses limites.
«J’ai sans cesse besoin de me faire bousculer sur le plan intellectuel», conclut-il.
En quelques mots…
Un cours à l’UdeM qui vous a marqué: Éthique et relations internationales au Département de philosophie; ce cours m’a permis de découvrir la richesse et la diversité des philosophes féministes, ainsi que les approches féministes en bioéthique.
Une passion qui vous anime: Ma famille; j’y suis très attaché, viscéralement! J’ai assumé très tôt des responsabilités vis-à-vis d’elle. J’ai élevé mes 2 plus jeunes frères, je les considère un peu comme mes propres enfants. Ils sont aujourd’hui des adultes, et j’éprouve une immense fierté quand je regarde le chemin parcouru.
Un film dont vous ne vous lassez pas: La trilogie Le Seigneur des anneaux, d’abord pour l’émerveillement devant la prouesse technologique et les effets spéciaux. Mais, surtout, regarder ce film est pour moi comme plonger au cœur d’un véritable conte initiatique.
Une ville qui vous fascine: Le Cap, en Afrique du Sud, qui représente l’évasion suprême pour moi.
Rédigé par Hélène Roulot-Gazmann, mai 2021, à la demande du Réseau des diplômés et des donateurs pour l'École de santé publique de l’Université de Montréal.