C’est chose faite depuis 2017, avec l’obtention de son diplôme d’études professionnelles approfondies (D.E.P.A.) en santé publique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM). Non content d’avoir empoché un 1er diplôme de 3e cycle, il vient également de terminer le microprogramme en analyse et évaluation des services, organisations et systèmes de santé (AnÉSOSS).
«Au-delà de la qualité des formations, ce qui me frappe à l’EPSUM, c’est la volonté de ses dirigeants de considérer la santé dans toute sa complexité, indique Jean Henri Sagne. Tous les paramètres sont pris en compte: l’offre de soins en soi, mais aussi l’environnement dans lequel elle s’effectue, l’adéquation entre les ressources et les objectifs globaux, ou encore les politiques mises en place et les dynamiques des systèmes.»
Or, ce qui le passionne aujourd’hui, c’est l’évaluation des programmes et services de santé, soit cette capacité de porter un jugement sur les diverses interventions en santé, de réfléchir avec une rigueur scientifique sur les différentes décisions qui sont prises par le système de santé (macros, mésos et micros), mais encore sur leurs répercussions sur la santé des populations qui reçoivent ces soins.
Sont-elles satisfaites? Quels sont leurs besoins réels? Sont-ils réalisables pour le moment? Est-ce qu’on y répond bien? Comment composer avec tous ces éléments?
«L’ESPUM nous prépare assurément à nous confronter à ces questions et à y répondre, constate M. Sagne. Le volet prévention des maladies, principalement celles qui sont infectieuses, y est aussi particulièrement important. Selon moi, un système de santé, pour être efficace d’abord et ensuite efficient, doit tenir un équilibre entre l’offre de soins et tous les autres déterminants de la santé. Sans cela, nous ne pouvons pas planifier à long terme et ainsi éviter l’engorgement de nos structures de soins.»
«La gestion de la pandémie de COVID-19 au Canada et à l’échelle des provinces en est une parfaite illustration, ajoute-t-il. À Montréal par exemple, la 3e vague a bien pu être évitée, grâce au travail acharné de la Direction régionale de santé publique, entre autres facteurs. Dans un contexte où les besoins en santé sont de plus en plus importants, alors que les ressources ne suivent plus, on doit constamment se demander comment maintenir nos populations en bonne santé, sans nécessairement toujours recourir aux structures des soins cliniques.»
Offrir le meilleur à ses enfants
D’aussi longtemps qu’il se souvienne, Jean Henri Sagne a toujours voulu travailler dans le domaine de la santé. Enfant, il voulait devenir gynécologue-obstétricien afin de lutter contre la mortalité des femmes en couche. La mortalité infantile l’affectait aussi grandement.
«Voir des enfants mourir subitement d’une diarrhée, de la fièvre, d’une infection respiratoire, ou encore une femme mourir en voulant donner naissance, ça m’est insupportable, confie-t-il. J’ai été exposé à ces événements dès mon enfance, ayant grandi entre la campagne et la ville au Sénégal. J’ai été soutien de famille très jeune, et je n’ai pas eu la chance de pouvoir devenir médecin. Il fallait que je trouve un travail pour assurer le revenu de la maison. Aujourd’hui, mes frères et sœurs sont grands, et mon but est d’offrir à mes propres enfants le meilleur, de leur permettre de grandir dans un pays dans lequel ils auront de meilleures chances que moi de réussir.»
C’est dans cette optique qu’il arrive à Montréal en 2014. Il sait déjà qu’il veut rejoindre une faculté de santé publique, mais travaille d’abord à s’intégrer dans son pays d’adoption et à mieux comprendre le système de santé. Il frappe à la porte de 3 universités, mais c’est en faisant la rencontre de Lambert Farand, professeur agrégé à l’ESPUM, qu’il opte pour l’Université de Montréal (UdeM).
«Il a dû voir que je n’étais pas quelqu’un du genre à lâcher, s’amuse celui qui se rappelle d’avoir assez insisté pour le rencontrer. Il m’a conseillé de suivre un cours comme candidat libre au semestre d’hiver 2016 pour mieux appréhender ce que je voulais faire exactement. En septembre 2016, j’ai été admis officiellement. J’ai passé 5 ans sur le campus, et je n’y ai que de bons souvenirs. Les professeurs sont si humains! Tout était nouveau pour moi, et je me suis parfois découragé. Je suis souvent allé les voir, et ils m’ont donné des pistes pour persévérer.»
Prévention, planification, évaluation
Parallèlement à ses études, Jean Henri Sagne travaille durant 2 ans à la Croix-Rouge canadienne avant de devenir spécialiste en évaluation de programmes à l’Institut du Savoir Montfort. Il est aujourd’hui agent de planification, de programmation et de recherche au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, affecté à la Direction régionale de santé publique.
«C’est passionnant et tellement pertinent dans le contexte que nous vivons actuellement, souligne-t-il. Depuis la réforme de 2014, la priorité dans le système de santé québécois a été accordée à l’offre des soins et aux structures de santé qui les prodiguent. En effet, la transition démographique que connaissent le Québec et le Canada, à l’instar des pays développés, a engendré de nouveaux besoins en santé, de plus en plus coûteux, ce qui exerce une pression sur le système de santé.»
Il poursuit: «Or, avec la mondialisation croissante, les frontières deviennent de plus en plus poreuses aux épidémies. En outre, les effets des changements climatiques, ainsi que les mesures prises en vue de les contrer, auront sans aucun doute des répercussions sur la santé des populations. Si bien que l’expertise en santé publique, aussi bien en recherche qu’en administration et en évaluation des services, est plus que jamais nécessaire pour comprendre, analyser, expliquer et surtout améliorer les politiques et interventions.»
Selon lui, il est urgent d’accroître les ressources afin de mettre en place des dispositifs de prévention permettant une prise en charge précoce des différentes situations susceptibles de survenir à l’avenir, mais aussi d’assurer le continuum de services au sein de la communauté: «Prévention, planification, évaluation: voilà la clé. Je suis très fier de faire partie de cela.»
Alors qu’il termine l’AnÉSOSS, M. Sagne avoue penser «sérieusement» à se lancer dans un doctorat. Et ensuite? Il ne sait pas encore, mais il confie quand même avoir le rêve, un jour, de retourner au Sénégal ou autre part en Afrique pour faire profiter ses concitoyens de toute son expérience professionnelle et pour partager les valeurs de la société canadienne.
«Pour l’instant, je recherche la stabilité pour ma famille, et je me plais bien dans mon nouveau pays, conclut-il. Mais sans doute que l’appel du retour sera trop fort un de ces jours et qu’une organisation canadienne ou internationale voudra de mes services en Afrique. J’ai des amis qui sont déjà repartis. C’est important que nos expertises et compétences bénéficient aussi au reste du monde, le continent africain en particulier.»
En quelques mots…
Un souvenir de l’UdeM: La cérémonie de collation des grades à laquelle j’ai participé en novembre 2017, qui représente pour moi le couronnement de tant d’années de sacrifices et la réalisation d’un rêve de jeunesse.
Un cours qui vous a marqué: Introduction à l’épidémiologie, qui m’a ouvert les yeux sur la recherche en santé publique.
Une passion qui vous anime: Œuvrer pour l’amélioration de la santé des plus vulnérables parmi nous, notamment le couple mère-enfant.
Une série dont vous ne vous lassez pas: Designated Survivor avec Kiefer Sutherland; un outsider, qui ne s’est jamais préparé à devenir président et qui, par un destin des plus inattendus, a été placé à la tête de la démocratie la plus puissante au monde…
Une ville qui vous fascine: Québec, assurément, pour son histoire, son architecture, sa propreté, le calme qui y règne, et la belle vue vers le port depuis la colline.
Le programme AnÉSOSS en quatre points :
- S’adresse à des professionnels détenteurs d’un diplôme de maîtrise (ou équivalent) qui souhaitent acquérir une compétence distinctive en évaluation.
- Comprenant à la fois un volet théorique et pratique, le programme vise le développement des compétences essentielles d’un évaluateur qualifié.
- Adapté pour des professionnels travaillant à temps plein ou à temps partiel, avec un nombre de cours allégé par rapport à d’autres programmes ou microprogrammes.
- À l'issue de la formation, vous pourrez faire carrière en évaluation comme responsables, gestionnaires, conseillers, analystes aux différents niveaux d'intervention des systèmes de santé, à l'échelle locale, régionale, provinciale, nationale ou internationale, ou encore comme évaluateurs indépendants.
Pour plus d'information, rendez-vous sur la page du programme AnÉSOSS.
Rédigé par Hélène Roulot-Gazmann, mai 2021, à la demande du Réseau des diplômés et des donateurs pour l'École de santé publique de l’Université de Montréal.