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Perspectives de diplômé(e)s: Nancy Côté et Olivier Demers-Payette

Nancy Côté (santé environnementale et santé au travail 2006) et Olivier Demers-Payette (administration des services de santé 2009 et santé publique 2015) nous donnent leur perspective sur l'avenir du système de santé québécois.

Nancy Côté

Olivier Demers-Payette.

Épidémies : prévention et lutte

Nancy Côté est titulaire d’une maîtrise en santé environnementale et santé au travail de l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) et d’une spécialisation en santé et sécurité au travail de la Faculté de l’éducation permanente. En 2015, elle se tourne vers la gestion et devient cheffe de service, santé au travail à la Direction de santé publique de Laval, en plus d’obtenir une maîtrise en gestion des organisations de l’Université Laval, 3 ans plus tard.

Aujourd’hui cheffe de service, protection et surveillance de la santé pour la même direction, elle soutient que toutes les sphères dans son domaine sont interreliées et que son équipe a pour objectif d’améliorer la santé à long terme de la population, ce qui aura une incidence certaine sur l’utilisation des soins.

Se préparer au pire

« Il faut prévenir, surveiller et protéger pour se préparer au pire. Le plus grand défi en ce qui concerne la prévention et la lutte contre les épidémies est la coordination des nombreuses dimensions de la santé. Par exemple, celle en milieu de travail et celle dans les autres sphères sont basées sur des lois différentes, mais sont inévitablement liées, surtout en période de pandémie.

« On a vu que les mesures sanitaires n’étaient pas tout à fait arrimées : c’est une question juridique, mais aussi de besoins et d’objectifs pour la santé de personnes diverses. La clé du succès, c’est de se préparer et d’essayer de prévoir, mais rien ne se déroulera comme on l’a imaginé. En tant que diplômée en santé publique, professionnellement, je rêvais en quelque sorte de vivre une pandémie, mais ce que j’ai vite réalisé, c’est qu’il y a une marge assez considérable entre la théorie et la pratique.

« À Laval, on s’en est bien sortis. L’autonomie des régions nous a permis de voir ce qu’il se passait autour de nous et de décider nous-mêmes des modalités d’application des directives, selon notre contexte. »

Maintenir l’expertise après la crise

« Une chose sur laquelle on doit réfléchir et qui est ressortie de cette pandémie, c’est le maintien de l’expertise. Nous avons eu de grands besoins pendant cette crise, mais lorsque ce sera terminé, comment allons-nous conserver l’expertise et mettre à jour nos acquis?

« Nous avons par ailleurs perdu beaucoup de ressources avec l’abolition de plusieurs postes dans les directions de santé publique, il y a quelques années. Une restructuration a nécessité une réévaluation de nos approches, alors que nous étions déjà fragiles. La pandémie a permis une prise de conscience de l’importance d’un réinvestissement majeur en santé publique, ce qui est tout à fait approprié au Québec pour assurer la santé de la population à long terme. »


Perspective sociale et innovation

Olivier Demers-Payette a une maîtrise en administration des services de santé et un doctorat en santé publique (option organisation des soins) de l’ESPUM. La professeure Pascale Lehoux a dirigé son mémoire ainsi que sa thèse. Aujourd’hui coordonnateur scientifique au Bureau – Méthodologies et éthique de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), Olivier dit s’être toujours intéressé aux innovations médicales et au rôle des usagères et usagers dans ce processus :

« J’ai un grand intérêt pour les innovations en santé où l’usagère ou l’usager, la clinicienne ou le clinicien et même la citoyenne ou le citoyen jouent un rôle dans la manière dont elles sont développées, choisies, implantées, utilisées et façonnées. La relation entre les aspects sociaux et technologiques a été mon moteur pendant mes études et influence évidemment ma vision de l’innovation dans le système de santé québécois.

« À l’INESSS, il y a une volonté de considérer l’expérience des usagères et usagers, des patientes et patients, des proches aidantes et aidants, mais aussi des citoyennes et citoyens dans l’évaluation d’innovations et d’interventions en santé et services sociaux. Ces personnes vivent des situations variées, ont des attentes envers les innovations et possèdent une expérience et des connaissances pertinentes sur celles-ci.

« En plus des données scientifiques, il est important de valoriser leur voix et d’avoir un regard sociétal sur les enjeux qui entourent les innovations. La considération d’une multitude d’informations et de perspectives nous mène à une certaine “vérité” partagée qui pourra éclairer les décisions qui doivent être prises par les milieux cliniques, le gouvernement et l’individu à la fin. L’évaluation, c’est poser un jugement sur des faits scientifiques, mais aussi sur des perspectives diversifiées. »

Système complexe, solution complexe

« Face à la complexité du système de santé et de services sociaux québécois, on comprend qu’il n’y a pas de solution unique en ce qui concerne les voies d’avenir, notamment celle de la promotion des innovations médicales responsables.

« Des travaux[i] de l’équipe de Pascale Lehoux ont d’ailleurs caractérisé ce qu’est une innovation responsable pour que les régulatrices et régulateurs puissent poser un jugement sur la “responsabilité” d’une innovation, selon sa contribution à différents domaines de valeur, et encourager l’industrie à s’aligner sur cette perspective.

« Une autre voie d’intérêt se trouve en aval du processus d’innovation. À l’INESSS, on évalue une intervention selon sa contribution à 5 dimensions : clinique, populationnelle, économique, organisationnelle et socioculturelle. Ce cadre[ii] permet d’entrevoir tout le champ d’action d’une innovation ou d’une intervention en santé et services sociaux. L’évaluation génère alors de l’information utile à la prise de décisions et aux changements de pratiques. Elle réduit l’incertitude et développe un consensus ou du moins une posture plus claire sur l’orientation à adopter face à cette innovation. Dans un contexte de complexité, celle-ci doit être comprise dans son ensemble. »

Partenariat-patient

« Une autre voie porteuse pour notre système de santé, qui n’est plus une nouveauté aujourd’hui, est tout ce qui concerne le partenariat-patient. Il s’agit de considérer la patiente ou le patient comme un véritable partenaire de ses soins et de l’évolution du système. Ça demande de l’outiller, de se sortir d’une posture paternaliste et de capter son expérience à tous les moments de son parcours de soins.

« Cette personne doit avoir une réelle capacité d’action sur le système, ce qui nous aide non seulement à répondre à ses besoins, mais à ceux des autres. L’intégration de son expérience individuelle à une multitude d’autres perspectives offre de plus des occasions de développer nos connaissances et de proposer des changements contribuant à faire de notre système de santé un véritable système apprenant.

« On a tendance également à voir l’innovation comme de la haute technologie à la fine pointe de la recherche médicale, voire de la science-fiction. Cela véhicule un impératif technologique optimiste quand, en réalité, je pense qu’on doit se placer dans un impératif de 1re ligne de soins et de services, de promotion et de prévention, mais aussi de services sociaux. C’est là que nous avons fait et ferons les plus grands gains pour la population.

« Enfin, nous devons comprendre que, pour agir dans un contexte de complexité, il faut soutenir la création de valeur des innovations. Pour y arriver, on doit développer une vision commune de ce qu’on veut pour notre système de santé et de services sociaux, favoriser la créativité et la collaboration, accélérer la circulation des connaissances générées par une multitude de parties prenantes, intégrer les apprentissages et adapter continuellement nos actions. »


[i] SILVA, Hudson P., Andrée-Anne LEFEBVRE, Robson R. OLIVEIRA et Pascale LEHOUX. « Fostering Responsible Innovation in Health: An Evidence-Informed Assessment Tool for Innovation Stakeholders », International Journal of Health Policy and Management, 14 mars 2021, vol. 10, no 4, p. 181-191. doi : 10.34172/ijhpm.2020.34. PMID : 32610749; PMCID : PMC8167270.

[ii] INESSS. « Énoncé de principes et fondements éthiques – Cadre institutionnel d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé et en services sociaux », [En ligne], juin 2021. [inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/DocuAdmin/INESSS-Enonce-de-principes-2021_VF.pdf].