Témoignage de Noémie Plattard
Étudiante au doctorat en santé publique option toxicologie.
Originaire du sud de Paris en France, Noémie Plattard, 24 ans, est en deuxième année de doctorat en Santé Publique option Toxicologie et Analyse du risque, sous la supervision du Dr. Sami Haddad. Passionnée d’écologie et de toxicologie, d’anthropologie et d’ethnologie, de sciences politiques et d’Histoire, et tant d’autres disciplines dont elle est tout autant curieuse. Son parcours d’ingénieur chimiste l’a amené à se poser des questions sur le mode de fonctionnement de notre société. Engagée et militante écologiste depuis quelques années, que ce soit en tant que vulgarisatrice scientifique pour les Amies de la Terre de Québec, Vice-présidente d’un regroupement étudiant à but environnemental, ou la participation d’actions à visée politique, elle a placé l’environnement au centre de ses préoccupations.
Q : Quel a été ton cursus universitaire ?
Je n’ai jamais été une excellente élève. Je suis simplement quelqu’un de déterminée qui ne baisse jamais les bras. Je le dois en parti à mes parents qui m’ont transmis un certain acharnement à l’école, et aussi dans la vie, à travers leur parcours respectifs, semés d’embuches. Ils sont admirables pour cela. Après avoir obtenu mon baccalauréat scientifique (examen au lycée), j’ai effectué une école d’ingénieur chimiste en France, l’ESCOM : Ecole Supérieure de Chimie Organique et Minérale, où j’y ai passé 5 ans : 2 ans de cycle préparatoire intégrée (Maths, Physique, Chimie, en intensif) et 3 ans de cycle ingénieur. Je suis arrivée au Québec pour la première fois en mai 2017, en y réalisant un stage de quatre mois en formulation cosmétique biodégradable à l’Université McGill. Puis, j’ai réalisé mon dernier semestre d’école d’ingénieur en Biochimie et Biotechnologies à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), et pour finir, mon stage de fin d’études de 6 mois en endocrinologie au CHUL de l’Université Laval à Québec. Cela va donc faire 2 ans et demi que je suis installée au Québec, et esti que c’est plutôt sympa !
Pourquoi avoir décidé de faire un doctorat en Santé publique, et notamment en Santé environnementale à l’ESPUM après un diplôme d’ingénieur ?
Pour moi, la santé publique est synonyme d’accès à la santé pour tous les citoyens, qui est un droit fondamental dans une démocratie.
Après avoir entendu des propos qui, pour moi, étaient contraire à mes valeurs morales, de la part d’industriels de la chimie qui donnaient énormément de conférences dans mon école d’ingénieur, je me suis posée beaucoup de questions : Est-ce que j’ai envie de participer à créer des cosmétiques contenant une multitude de produits chimiques toxiques ? Mais finalement, à quoi servent-ils ? N’est-ce pas superficiel ? Est-ce que j’ai envie de mettre mes compétences techniques acquises pendant 5 ans au profit d’industries qui cherchent uniquement le profit, et ne pensent aucunement à la santé des populations ? Ma réponse était en définitive : NON.
De plus, lorsqu’il y a du plomb dans l’eau, lorsque des pesticides tuent des animaux et des humains, lorsque des plastiques issus de la pétrochimie polluent nos assiettes, ou lorsque des Inuits sont exposés au mercure en mangeant leur repas traditionnel, je me sens concernée et consternée. Nous sommes tous concernés par une exposition à un effet cocktail de produits chimiques, dont nous ne connaissons pas les effets ni sur notre santé, ni sur l’environnement.
Un doctorat m’apportera une expertise en Toxicologie, notamment pour entreprendre un projet de recherche, et d’identifier de potentielles substances dangereuses par la suite, et pouvoir participer à l’élaboration de normes beaucoup plus restrictives.
Ce doctorat m’aidera à mener le combat de ma vie, qui est de mettre toutes mes connaissances en Chimie, en Toxicologie et en Santé publique afin de contribuer à aider la population à avoir le droit de vivre dans un environnement sain, d’effectuer une transition écologique rapide et juste, et de considérer la santé comme un bien commun et non une marchandise. On voit énormément de jeunes dans les rues aux manifestations pour le climat. Je fais partie de ses jeunes qui veulent réformer notre société en profondeur et changer notre modèle d’affaire ultra-capitalisé. La mondialisation, la déréglementation, et la perpétuelle quête de croissance du capitalisme font partie des sources du problème à la crise écologique.
Pour finir, l’ESPUM est une des meilleures écoles en santé publique d’Amérique du Nord, j’avais envie de valoriser mon diplôme et donc mon expertise à l’échelle mondiale.
Sur quoi porte votre thèse doctorale ?
Mon projet doctoral se fait en cotutelle France-Québec : deux ans au Québec et un an en France. Mon sujet de thèse porte sur le développement d’un modèle toxicocinétique à base physiologique (PBPK) pour évaluer l’exposition des femmes enceintes et des nourrissons aux dérivés chlorés du Bisphénol A (ClxBPA). Ses substances sont des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire qu’ils peuvent interférer avec le bon fonctionnement du système hormonal. On suppose qu’ils peuvent être transmis de la mère à l’enfant via le placenta et par lactation, et compromettre leur développement normal. C’est un sujet de thèse passionnant, et très complet car il comporte plusieurs volets notamment animal et humain.
Qu’est-ce que tu aimerais faire après le doctorat ?
Grande question. J’aimerais être enseignante-chercheuse en Toxicologie environnementale au Québec ou bien en France. Pour y arriver, je ferais deux post-doctorats : peut-être un en Suède à l’Institut Karolinska en santé environnementale et un à Harvard aux Etats-Unis ou un autre en Europe. Je n’ai pas encore planifié à vrai dire.
Je n’écarte pas de travailler en politique par la suite, du moins, à participer à l’élaboration de nouvelles alternatives, en matière de Santé, et d’analyse de risque en Toxicologie. Cependant, pour l’instant, ce n’est pas possible avec un tel gouvernement en France.
De plus, mon militantisme ne me quittera jamais, je mettrais donc mes connaissances au service de l’intérêt général : réalisation de conférences de sensibilisation aux dangers de certains polluants environnementaux, rédaction d’articles de vulgarisation scientifique pour des associations citoyennes, coalitions entre citoyens et scientifiques, participation dans des débats politiques, rapports d’expertise gouvernementales, etc…
« Ce n'est pas le courage qui permet de gagner une bataille mais la persévérance. » Wangari Maathai