Dans un contexte où les changements climatiques redessinent la carte mondiale des maladies infectieuses, l'École de santé publique de l'Université de Montréal (ESPUM) abrite désormais une chaire de recherche qui s'attaque à l'un des défis sanitaires les plus pressants de notre époque. Dirigée par la professeure Kate Zinszer, cette Chaire de recherche du Canada vise à comprendre, prévoir et combattre les maladies infectieuses émergentes et endémiques dans un monde en pleine transformation environnementale.

Un défi sanitaire mondial
Au cours des deux dernières décennies, les maladies infectieuses ont posé des défis majeurs en matière de santé mondiale. Dégradation de l'environnement, urbanisation rapide, mondialisation et surtout changements climatiques : ces facteurs convergents créent des conditions propices à l'émergence et à la propagation de pathogènes qui touchent de manière disproportionnée les populations vulnérables. Les maladies vectorielles transmises par les moustiques, comme la dengue, le Zika et le chikungunya, ne connaissent plus de frontières et atteignent désormais le Canada.
Trois axes de recherche complémentaires
La mission de la chaire s'articule autour d'une approche tripartite visant à transformer notre compréhension épidémiologique de certains agents pathogènes émergents et endémiques, de leurs schémas spatio-temporels et leur potentiel de prévision des maladies, et notre réponse aux menaces infectieuses en évaluant les interventions de santé publique visant à réduire leur fardeau.
Le premier axe consiste à concevoir et à mener des recherches primaires à travers des études de cohortes ou des études cas-témoins, et à analyser des sources de données secondaires telles que les données de surveillance et les données cliniques afin de mieux comprendre le profil épidémiologique de certaines maladies infectieuses émergentes et épidémiques. Une partie importante de cette recherche consiste à comprendre les principaux facteurs de la maladie au niveau de la population et à identifier les communautés vulnérables, qui sont souvent marginalisées. Un projet en cours à Dhaka, au Bangladesh, examine notamment le potentiel de co-circulation de plusieurs arbovirus chez les enfants.
Le deuxième axe vise à comprendre les schémas de propagation des maladies infectieuses dans le temps et dans l'espace, ainsi qu'à développer des modèles de prévision précis afin d'éclairer les programmes d'intervention ciblés, notamment les campagnes d'éducation ou les interventions visant à éliminer les vecteurs. En Colombie, les chercheurs travaillent actuellement sur des modèles prédictifs pour la dengue, intégrant des données environnementales, météorologiques et sociodémographiques innovantes. Au Québec, un autre projet estime les températures excessives dans et autour des écoles.
Le troisième axe se concentre sur l'amélioration des données probantes relatives à l'efficacité des interventions contre les maladies infectieuses dans les régions endémiques et à risque, avec un accent particulier sur les approches écologiquement durables. À Dhaka, un essai contrôlé randomisé teste actuellement une approche de mobilisation communautaire pour réduire les infections de dengue chez les enfants. D'autres travaux impliquent des jeunes chercheuses dans l'élaboration d'interventions de sensibilisation aux changements climatiques.
Une expertise reconnue à la barre
Kate Zinszer apporte à cette chaire une formation interdisciplinaire unique. Titulaire d'un doctorat en épidémiologie de l'Université McGill et d'un postdoctorat en épidémiologie computationnelle à Harvard Medical School, elle est professeure agrégée au Département de médecine sociale et préventive de l'ESPUM et chercheuse au Centre de recherche en santé publique (CReSP).
Son parcours en épidémiologie de terrain lui permet de mobiliser des outils provenant de l'épidémiologie, de la santé publique, de l'informatique et de la statistique pour décortiquer les causes des maladies infectieuses, prévoir leur fardeau futur et évaluer l'efficacité des interventions. Depuis 2018, elle a obtenu plus de 9 millions de dollars en tant que chercheuse principale et contribué à des projets totisant 18,2 millions de dollars. Ses plus de 130 publications témoignent de contributions majeures dans l'évaluation d'interventions à grande échelle, la compréhension des maladies émergentes et la modélisation spatio-temporelle.
Un réseau de collaboration étendu
La force de la chaire réside également dans son inscription au sein d'un vaste réseau de partenaires. Elle fait partie du Centre de recherche en santé publique (CReSP), de l'Observatoire pour l'éducation et la santé des enfants (OPES), du Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique (GREZOSP), du réseau Précrisa et du centre collaborateur de l'OMS Transnut.
Les collaborations s'étendent du niveau local au niveau international, impliquant des autorités sanitaires, des ministères de la Santé, des universités, des ONG et des communautés. Au Canada, les partenaires incluent le CHU Sainte-Justine, les universités de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, McGill, Toronto et Windsor, ainsi que la Direction régionale de santé publique de Montréal, l'INSPQ et l'ASPC.
À l'international, la chaire collabore avec des institutions au Bangladesh, en Ouganda, en Colombie, en France, au Brésil, en Allemagne et aux États-Unis, favorisant des échanges bidirectionnels de connaissances entre le Nord et le Sud.
Les partenaires canadiens de la Chaire comprennent notamment le CHU Sainte-Justine, l'Université de l'Alberta, l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université McGill, l’Université de Toronto and l’institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum, l’Université de Windsor, la DRSP de Montréal, la Fondation David Suzuki, l’INSPQ et l’ASPC. La Chaire compte également parmi ses partenaires internationaux : la Clinique Soft Power Health en Ouganda, l'Université BRAC et icddr,b au Bangladesh, l’IRD en France, University College of Science and Technology à Gaza, Universidad Cooperativa de Colombia, San Martin University Foundation, et Instituto Colombiano de Medicina Tropical en Colombie, GFZ Helmholtz Centre for Geosciences en Allemagne, Oswaldo Cruz Foundation (Fiocruz) au Brésil, l'Université de Toulouse en France, et Wayne State University aux États-Unis.
Des retombées concrètes pour la santé publique
L'impact attendu de la chaire se décline sur plusieurs plans. Elle contribuera à améliorer les réponses de santé publique aux maladies infectieuses émergentes et endémiques et aux risques sanitaires liés aux changements climatiques grâce à des méthodes de modélisation de pointe et à la production d'outils permettant aux professionnels d'évaluer les risques, de cibler les interventions et de renforcer la communication en matière de santé.
Autre aspect important, l'approche inclusive de la chaire, impliquant activement les jeunes et les communautés diversifiées, vise à développer des stratégies culturellement ancrées et acceptées pour le contrôle des maladies et la résilience climatique. Cette philosophie participative garantit que les interventions proposées seront à la fois faisables et pertinentes pour les populations concernées.
Également, l'intégration de la chaire au sein de partenariats et de réseaux de recherche existants, comprenant des chercheur·euse·s et des organismes de santé publique au Canada, en France, en Colombie, au Bangladesh, en Ouganda et en Allemagne, a le potentiel de façonner des recherches pertinentes, d'éclairer les interventions et d'assurer une large diffusion des résultats à grande échelle dans le cadre de partenariats scientifiques et de santé publique, tant au niveau local qu'international.
Enfin, ancrée à l'École de santé publique de l'Université de Montréal (ESPUM) et alignée avec ses priorités stratégiques autour de l'approche « Une seule santé », la chaire renforcera la collaboration entre différents programmes en santé mondiale, épidémiologie, promotion de la santé et santé environnementale. Elle servira de plateforme pour la recherche épidémiologique, la formation et la diffusion des connaissances, consolidant ainsi le rayonnement international de l'ESPUM et de l'Université de Montréal.