« J’ai un parcours professionnel très atypique. Alors que je n’étais pas destiné à faire ma médecine, mes performances au baccalauréat m’ont propulsé dans ce domaine. Oui, c’était la règle à l’époque en Guinée : les meilleurs élèves doivent s’occuper de la santé des populations. Sorti majeur de la Promotion 1997 de la Faculté de médecine de l’Université de Conakry, j’ai travaillé pendant deux ans au service de pédiatrie de l’hôpital national Donka, avant de m’engager dans la vente et le marketing chez Nestlé. C’est dans cette fonction de délégué médical pour produits infantiles que, très rapidement, j’ai découvert l’influence de la pauvreté sur la santé de la population, en particulier celle des femmes et des enfants. On assistait alors, tant bien que mal, à travers la formation et la fourniture de produits et matériels, les services de dépistage et de prise en charge précoce de la malnutrition chez l’enfant (en Guinée, plus d’un enfant sur trois souffre d’une forme aigue ou chronique de la malnutrition). Et c’est dans ces circonstances-là qu’est née chez moi l’idée de suivre une formation en santé publique. Mais ce n’était qu’une idée. Il a fallu attendre quatre bonnes années avant que je décide finalement de tourner définitivement la page pour me remettre sur le chemin académique.
Une maîtrise en santé communautaire, un programme qui cadre parfaitement bien avec mes attentes en matière de formation. Un Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal, un cadre institutionnel qui répond à mes aspirations. Ainsi, je voyais là que les conditions minimales étaient créées pour me permettre d’atteindre mon but. Mais, pour arriver à un niveau de performance académique appréciable, il faut y mettre du sien, beaucoup du sien, spécialement de la curiosité, de la ténacité et de l’engagement. Dans mon cas, je n’y suis pas totalement parvenu, mais l’encadrement m’a aidé à me mettre sur les rails. Au terme de ma formation, je crois avoir acquis les outils et la démarche scientifiques utiles et nécessaires, me permettant de me tracer une vie professionnelle nouvelle. Cependant, je dois avouer que j’ai un regret, un seul, qui me pèse encore aujourd’hui, celui de n’avoir pas saisi une occasion unique qui s’était offerte à moi de faire un doctorat en sante publique à l’UdeM. Je souhaite que les étudiants en maitrise ne fassent pas la même erreur.
Mon sujet de stage a porté sur les inégalités socioéconomiques de santé au Québec (l’hospitalisation, la mortalité et l’incidence du cancer chez les moins de 20 ans). C’est une problématique qui me passionnait déjà, mais c’est grâce à l’impulsion de la docteure Marie-France Raynault, à travers son cours de pratique de santé publique, que mon intérêt pour cette thématique a atteint son paroxysme. Pour tout avouer, au tout début de mon projet stage, il me paraissait improbable voire impossible d’observer une quelconque inégalité d’accès aux services de santé dans un pays où l’universalité est la règle. Les résultats de notre travail suggéraient que les inégalités de santé sont bien présentes dans la population d’étude, et qu’elles sont particulièrement frappantes chez les enfants de moins de 10 ans.
De retour en Guinée, je me suis engagé dans la cause d’une des catégories de populations les plus vulnérables : les femmes enceintes. Un adage africain nous explique plus éloquemment cette vulnérabilité : « Ici, une femme enceinte a un pied sur terre et l’autre dans la tombe. » Présentement, je travaille activement dans un programme de l’USAID sur la prévention de la morbidité et de la mortalité maternelle. Je suis responsable du suivi et de l’évaluation du programme de prévention de la fistule obstétricale en Guinée, une maladie résultant d’un travail difficile et prolongé (près de 60 % des femmes accouchent à leur domicile sans assistance médicale). Dans le même temps, je coordonne un projet dénommé RESPOND, axé sur la prévention, le dépistage et la prise ne charge des violences basées sur le genre. Nos efforts, dans ce projet, sont pour l’instant tournés vers les utilisatrices des services de planification familiale. Il faut noter qu’en guinée, 80 % des femmes utilisant une méthode moderne de planification familiale le font en cachette, par peur d’être répudiées ou d'être victimes de sévices corporels de la part de leurs conjoints.
Je crois fermement que le programme de santé communautaire dispensé par le Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal répond parfaitement bien au besoin en formation des cadres et acteurs de santé dans les pays en développement. En tout cas, ce programme m’a permis d’être suffisamment outillé pour faire face aux nombreux défis de santé auxquels est confronté mon pays, la Guinée. »