Soutenance de thèse d'Amandine Fillol
Jeudi 24 février 2022 de 14h à 17h
CANDIDATE : Amandine Fillol
GRADE POSTULÉ : Ph.D.
PROGRAMME : Santé publique
OPTION : Santé mondiale
Pour participer, merci de vous inscrire via le lien Zoom.
JURY Christina Zarowsky, Présidente-rapporteuse Valery Ridde, Directeur de recherche Ryoa Chung, Membre du jury Roch A. Houngnihin, Examinateur externe Lise Gauvin, Représentante du doyen |
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Du transfert de connaissances à une résistance épistémique en santé mondiale.
Problématique : Alors que l’on connaît depuis plusieurs décennies les conséquences dramatiques des injustices sociales sur la santé, il existe un profond problème d’application des connaissances pour informer les pratiques et/ou les politiques. Au-delà d’un manque de prise en compte des connaissances pour l’action, il semblerait que la difficulté à lutter contre les inégalités soit plutôt liée à l’enracinement des systèmes de production et d’utilisation des connaissances dans des structures injustes.
Approche théorique et cadre conceptuel : Cette thèse s’inscrit dans la quatrième vague de recherche sur le transfert de connaissances qui consiste à mieux comprendre les caractéristiques sociales des connaissances. En d’autres mots, il s’agit d’intégrer une approche d’épistémologie sociale dans la recherche sur le transfert de connaissances. Nous nous intéressons spécifiquement au concept d’oppression épistémique qui consiste en la répétition dans la durée de trois degrés d’exclusions épistémiques. L’exclusion de troisième degré représente un mode de vie épistémique qui est dirigé par des groupes sociaux dominants, qui ne permet pas de prendre en compte d’autres systèmes de pensée et de connaissances que les leurs. L’exclusion de second degré est le fait, pour des individus déjà opprimés socialement, de devoir utiliser des ressources qui ne sont pas les leurs, pour pouvoir participer à la construction de nouvelles ressources communes dans ce système. L’exclusion de premier degré concerne l’impossibilité, pour des individus, d’être considéré comme des « connaisseur·ses » du fait de préjugés à leur encontre. Cette thèse vise à analyser comment les pratiques quotidiennes et le contexte de la santé mondiale favorisent une oppression épistémique.
Méthodologie : Nous étudions trois phénomènes correspondant aux trois degrés d’exclusion épistémique, en suivant une échelle d’analyse à trois niveaux (macroscopique, mésoscopique, microscopique) qui rappellent les trois branches de l’épistémologie sociale (système, groupe, individus). Pour cela, nous étudions en premier lieu la construction d’une ressource épistémique commune en santé mondiale à un niveau macroscopique : la couverture santé universelle (CSU) grâce à une revue critique des écrits. En deuxième lieu, nous étudions l’appropriation de cette ressource épistémique à un niveau mésoscopique, et la manière dont un groupe de scientifiques prend ou non en compte des voix dissidentes, en promouvant une définition différente de la CSU. Pour cela, nous réalisons une étude de cas d’un programme de recherches interventionnelles sur la CSU. En troisième lieu, nous étudions le rôle de la source des connaissances sur leur perception grâce à une expérimentation en santé mondiale.
Résultats : À travers l’avènement de la CSU, nous observons la présence d’un pouvoir productif qui, tout en donnant l’impression d’une approche ancrée dans les droits humains et inclusive, favorise une conception marchande de la santé, menée par un « centre » de la santé mondiale. Nous avons également observé que l’appropriation de la CSU dans un programme de recherches interventionnelles n’a pas permis de créer une définition dissidente de la CSU. Plusieurs alliances épistémiques, c’est-à-dire des affiliations entre membres partageant la même orientation des études pour analyser la CSU sont apparues : une alliance « santé publique », une alliance économique, une alliance anthropologique et une alliance critique. Cette dernière, qui proposait une réflexion globale sur la déconstruction et la gouvernance de la CSU, a été manquée, du fait d’inégalités concomitantes. Enfin, nous avons pu voir à un niveau microscopique que le « messager » peut être plus important que le « message » et participer à invisibiliser ou diminuer certaines voix dans la gouvernance globale en santé.
Discussion et valeur ajoutée de la thèse : Les trois degrés d’exclusion épistémiques peuvent s’entrevoir de façon complémentaire. Du fait de la proximité des mondes scientifique et politique, et de la volonté de produire des connaissances pour l’action en santé mondiale, l’avènement de la CSU peut influencer la manière dont les scientifiques s’approprient ce concept. Cela peut limiter les possibilités de diversité épistémique et favoriser l’exclusion de certaines voix. À l’inverse, le sentiment d’exclusion peut conduire à se limiter dans sa contribution intellectuelle. Partant du postulat dont chacun·e de nous peut participer à changer les structures qui créent les injustices, en résistant à l’oppression épistémique, nous proposons un continuum d’actions pour lutter contre les inégalités dans la gouvernance globale en santé.
Emplacement : En vidéoconférence Zoom