Sortir dehors et entrer en dedans
Ces expressions, je ne suis plus capable de les entendre. Par maladresse, insensibilité ou ignorance, ces pléonasmes polluent quotidiennement les stations locales de télévision, et ce, autant à la Société Radio-Canada, auparavant soucieuse de la qualité de la langue française, qu’à TVA et Noovo.
En passant, la qualité de la langue de Radio-Canada est-elle encore le baromètre du français au pays ? En passant, il existerait, selon TV5 Monde, un site linguistique à Radio-Canada qui emploie deux personnes et qui veille à favoriser la qualité de la langue française de tous ses employés à la radio, à la télé et sur le Web[1]. Si, « depuis toujours, la qualité de la langue française est une priorité à Radio-Canada », le rapport (non daté) du Groupe de travail sur la qualité de la langue[2] n’accorde pas la même attention au problème des pléonasmes (il n’en fait aucune mention, en fait) qu’à celui des anglicismes et des erreurs de syntaxe et de grammaire.
« Lorsque les pompiers sont entrés à l’intérieur de l’appartement, ils ont découvert le corps inanimé d’une femme[3] […] », peut-on lire sur le site de Radio-Canada. Situation similaire à TVA Nouvelles, qui rapporte que « lorsque les pompiers sont entrés à l’intérieur du bâtiment, ils ont constaté plusieurs foyers d’incendie et ont déterminé qu’il s’agissait donc d’un incendie criminel[4] ». Un article de Noovo[5] proposait des idées « pour bouger sans sortir dehors » au cours de la semaine de relâche à Montréal.
Qu’on se le dise, sortir dehors, sortir à l’extérieur, entrer en dedans, entrer à l’intérieur sont des expressions pléonastiques dont l’usage est à proscrire. Un pléonasme, souvent qualifié de vicieux, est une expression dans laquelle la même idée est véhiculée deux fois, comme sont d’autres formulations courantes comme « descendre en bas » et « se lever debout ».
Une remarque, néanmoins. La plateforme Vitrine linguistique de l’Office québécois de la langue française, qui regroupe maintenant les contenus de la Banque de dépannage linguistique et du Grand dictionnaire terminologique, rapporte que ces pléonasmes généralement fortement déconseillés peuvent, dans des contextes bien particuliers, s’avérer justifiés lorsqu’ils répondent à un souci de clarté. Par exemple, la formule sortir dehors pourrait être considérée acceptable quand il est nécessaire d’éviter toute confusion avec sortir au sens d’« aller à l’extérieur de chez soi afin de se distraire[6] ».
On va s’en sortir !
Merci à Bernard-Simon Leclerc pour cette capsule!
Bernard-Simon Leclerc est coordonnateur académique du doctorat professionnel en santé publique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) et responsable de l’option Surveillance épidémiologique du programme de maîtrise professionnelle en santé publique pour le compte du Département de médecine sociale et préventive. Il enseigne la santé publique, l’épidémiologie, la surveillance de la santé et l’évaluation des interventions de santé. Il compte 30 années d’expérience dans le domaine de la santé publique québécoise, cumulées notamment à la Direction de santé publique de l’Agence de la santé et des services sociaux de Lanaudière, à la Direction du développement des individus et des communautés à l’Institut national de santé publique du Québec, à la Direction de la recherche du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Nord-de-l’Île-de-Montréal et au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal où il y est encore conseilleur scientifique en épidémiologie et en évaluation des interventions de santé dans l’axe Promotion de la santé, soins et interventions.