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Chance ou risque ? La capsule linguistique de Bernard-Simon Leclerc.

Dans les médias comme dans le milieu universitaire, on utilise couramment mais à tort les mots « chance » et « risque » de façon indifférenciée. Dans cette capsule linguistique, Bernard-Simon Leclerc nous en dit plus sur l'usage de ces mots.

Dans les médias comme dans le milieu universitaire, on utilise couramment mais à tort les mots « chance » et « risque » de façon indifférenciée.

Éduc’alcool, par exemple, nous parle de la chance d’être atteint d’un cancer de la cavité buccale et du pharynx avec l’augmentation de sa consommation quotidienne d’alcool[1]. Une essayiste nous a rappelé quelques statistiques inusitées : « Tu as une chance sur onze millions de mourir dans un accident d’avion. Une chance sur trois cent vingt millions de tomber foudroyé. Une chance sur dix millions de périr dans une explosion nucléaire[2]. » La foulée de la dénonciation du profilage racial et de la discrimination systémique nous a appris, notamment à une assemblée municipale de la Ville de Montréal[3] et dans les pages du journal Métro[4], qu’un Noir avait trois fois plus de chances d’être interpellé par la police qu’un Blanc. Les chanceux !

Nombre de mémoires de maitrise et de thèse de doctorat, dont je vais taire le nom des auteurs, ont emprunté à tort l’expression. Par exemple, un étudiant en philosophie a évoqué les chances (sic) de faire face au problème de l’indécidabilité morale et donc à l’aporie qu’elle implique. Un autre en criminologie s’est intéressé aux chances perçues des récidivistes de comportements délictuels d’être arrêtés puis de recevoir une contravention. Même Antoine de Saint-Exupéry dans son livre Vol de nuit a commis l’erreur en affirmant qu’« un vol de nuit serait chaque fois une chance de mort ».

J’ai personnellement été sensibilisé au bon et au mauvais usage du mot « chance », il y a bien des années de cela, par un présentateur de bulletins météo. Il y a des risques d’averse, mais des chances de soleil, disait-il. Ainsi, si « chance » et « risque » sont en quelque sorte des synonymes de probabilité, le premier s’applique aux événements heureux, favorables ou avantageux et le second, aux circonstances malheureuses, dangereuses ou désolantes. L’Office québécois de la langue française est formel à ce sujet : l’emploi négatif de « chance », lorsqu’il est utilisé dans le sens de « risque » ou de « danger » auquel on s’expose constitue un calque de l’anglais to take a chance/to take chances.

Nous pourrions plus favorablement avoir des chances de guérison, de recevoir une bourse d’études ou de trouver l’amour. Toutefois, nous pouvons réduire les risques d’être tué ou blessé gravement dans un accident en portant la ceinture de sécurité et les mauvaises habitudes de vie peuvent augmenter les risques de maladies cardiovasculaires.


[1] https://www.educalcool.qc.ca/wp-content/uploads/2019/09/Alcool-et-risque-de-cancer.pdf

[2] https://www.erudit.org/fr/revues/moebius/2014-n140-moebius01308/71463ac.pdf

[3] https://ville.montreal.qc.ca/documents/Adi_Public/CM/CM_PV_ORDI_2021-08-23_13h00_FR.pdf

[4] https://journalmetro.com/actualites/montreal/35258/la-lutte-au-profilage-racial-une-question-de-paix-sociale/amp/



Merci à Bernard-Simon Leclerc pour cette capsule!

Bernard-Simon Leclerc est coordonnateur académique du doctorat professionnel en santé publique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) et responsable de l’option Surveillance épidémiologique du programme de maîtrise professionnelle en santé publique pour le compte du Département de médecine sociale et préventive. Il enseigne la santé publique, l’épidémiologie, la surveillance de la santé et l’évaluation des interventions de santé. Il compte 30 années d’expérience dans le domaine de la santé publique québécoise, cumulées notamment à la Direction de santé publique de l’Agence de la santé et des services sociaux de Lanaudière, à la Direction du développement des individus et des communautés à l’Institut national de santé publique du Québec, à la Direction de la recherche du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Nord-de-l’Île-de-Montréal et au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal où il y est encore conseilleur scientifique en épidémiologie et en évaluation des interventions de santé dans l’axe Promotion de la santé, soins et interventions.